Les événements qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre le 27 juin 2023 ne doivent rien au hasard.
En effet, la tragédie du décès d’un adolescent suite à une interpellation par la police a agi comme un détonateur dans un environnement social prêt à tous les dérapages.
Un dérapage de plus, certes, et certainement pas le dernier tant la situation au sein de notre pays connait de tensions ancrées dans de nombreuses couches de la société.
Cela fait bien longtemps que la France n’est plus un pays berceau de révolution, c’est à se demander s’il l’a jamais été, à l’exception notable de la Commune de Paris …
Et pourtant les français se bercent de l’illusion d’être révolutionnaire, toujours, un peu.
L’analyse de la société française montre plutôt l’existence croissante d’un conservatisme avéré, de surcroit réticent à l’idée même de réformes.
En clair, le français est secrètement conservateur, allergique à l’idée même de réformes tout en s’anoblissant d’un passé révolutionnaire.
Face à ce constat, nous vivons des situations où tout et son contraire cohabitent, avec pour conséquence de déboucher sur des explosions sociales, et ce à un rythme de plus en plus fréquent.
“La situation est désespérée, mais pas sérieusement dramatique“ avait dit Paul Watzlawick, sociologue américain d’origine européenne, en d’autres temps.
Ce n’est pas encore le cas en France, même si les français tentent de jouer avec le feu, à défaut de s’en amuser.
La situation est à la fois simple et compliquée : chacun sait que tant que nous n’aurons pas une conscience commune des problèmes, les solutions resteront difficiles à trouver, car trop parcellaires, sources de division et permettant à chacun de rester sur ses acquis, aussi faibles ou importants soient-ils.
La société française a changé, nous sommes passés d’une structure majoritairement pyramidale (à l’image de l’État jacobin et centralisateur) à une structure matricielle où tout s’échange, non plus comme avant par le biais exclusif de la presse, des médias ou autre institutions, mais à travers l’existence de plus en plus affirmée des réseaux sociaux et de la nouvelle économie numérique (Le Bon Coin, Uber, etc …).
Des réseaux sociaux à travers lesquels les habitants, et plus particulièrement les jeunes, se reconnaissent et sont reconnus, ce qui ne semble plus être totalement le cas pour les autres moyens de communication et d’organisation, économique ou politique.
Les jeunes, encore eux, sont une des catégories de population la plus touchée par la crise économique, c’est ici l’expression d’un constat, en aucun cas d’une stigmatisation.
Crise économique, possibilité d’échange en temps réel sur les réseaux sociaux, besoin de reconnaissance … Autant de critères expliquant la présence massive des jeunes lors des manifestations récentes.
Des manifestations violentes, destructrices, imprévisibles, spontanées : l’expression d’un prurit social et situationniste plus que d’une action construite et déterminée.
Tout ce qui s’apparente aux valeurs systémiques de la société français a été attaqué ou contesté : Police, Mairie, journalistes, médias, centres commerciaux (dont certains ont été dévalisés), entreprises, administrations, écoles, médiathèques …
Tout sauf les réseaux sociaux, lieu de rencontre et d’échanges appropriés et autogérées par une population jeune, dans la majorité des cas … la mise en réseau de l’interpellation tragique du 27 juin en est la preuve.
Au lieu de chercher des coupables à exclure, il semblerait plus utile de se pencher sur les raisons profondes d’une telle implosion pour nous mener à une meilleure compréhension d’ensemble susceptible de conduire à des solutions inclusives.
Marc Lanteri / 20 juillet 2023